Soudain, un souvenir, une histoire qu'elle adore lui revient à l'esprit. Petite Isabelle entre dans le chalet, va chercher un immense volume, presque trop lourd pour elle. Elle se rassoit sur sa grand-mère et tourne les pages, jusqu'à ce qu'elle trouve l'histoire. Il est à la page 72.
« Mamie, c'est à mon tour de te raconter une histoire, dit-elle d'une toute petite voix. Je sais lire maintenant.»
Elle prend un grand respire et elle se lance.
GRAND PAPA LAPIN
Au fond des bois, sous les bruyères, se cache une petite ville très propère habitée pas les lapins, c'est Jeannotville.
Au centre de cette agglomération, on voit une chaumière construite en brindilles, avec un joli toit marron. Tout le monde sait que c'est la demeure de l'arrière-grand-père Jeannot-Jeannot.
Tous les petits lapins apprennent à l'école que cet arrière-grand-père Jeannot-Jeannot fonda Jeannotville au temps jadis. C,est l,ancêtre commun de presque tous ses habitants.
Lui-même aimait raconter à tous les petits lapins comment Madame Jeannot-Jeannot et lui, lorsqu'ils étaient plus jeunes, avaient trouvé ce beau terrain et comment ils y avaient construit leur petite maison en brindilles.
Ils y avaient vécu très heureux, au fond des bois, et ils avaient élevé beaucoup d'enfants dans cette petite maison de brindilles.
Et, bien sûr, Papa Jeannot-Jeannot, comme on l'appellat à cette époque-là, était très pris par son travail, car il était décorateur des oeufs de Pâques.
En grandissant, les enfant apprenaient à peindre les oeufs de Pâques. Bientôt, les enfants étaient grand, avec des familles à eux. Et ils s'installaient tout autour de la petite maison de grand-père Jeannot-Jeannot.
C'est ainsi qu'après quelques temps, ils se créa une ville qu'ils appelèrent Jeannotville.
Maintenant, grand-papa Jeannot-Jeannot n'était plus tout seul à décorer les oeufs de Pâques et il avait le temps de s'occuper à d'autres choses.
Il enseigna aux jeunes lapins la manière de peindre des fleurs, dans les bois.
Il leur faisait essayer de nouvelles teintes de vert pour les fougères et pour la mousse.
Ils faisaient de si belles choses que les promeneurs s'arrêtaient émerveillés par les nouvelles couleurs.
«La terre doit être bonne ici, ou bien il pleut beaucoup.»
Les petits lapins les entendaient et cela les faisait rire car ils savaient que grand-père Jeannot-Jeannot en était la cause.
Les années passèrent. Il y avait de plus en plus de famille à Jeannotville. Et, de papa, Jeannot-Jeannot devint grand-père, puis arrière-grand-père. Il s'occupait toujours de peindre les fleurs, chaque printemps et à décorer les oeufs de Pâques.
Ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants l'aidaient, si nombreux et si diligents qu'il aurait pu se reposer. Mais il trouvait toujours des choses à faire.
En automne, il apprenait aux tout jeunes lapins à peindre les feuilles : du violet pour les arbres à gomme, du jaune pour les ormes, de l'écarlate pour les érables à sucre. Partout, ils peignaient et coloriaient.
Et les gens qui allaient se promener par là se disaient : «Nous n'avons jamais vu de pareilles couleurs dans ces bois! Les nuits doivent être très froides!»
Les lapins les entendaient et cela les faisaient rire. Car ils savaient que toutes ces merveilles étaient l'oeuvre de leur arrière-grand-père.
Les saisons passaient, et les petits lapins naissaient toujours plus nombreux à Jeannotville.
Jeannot-Jeannot devint arrière-arrière-grand-père, arrière-arrière-arrière-grand-père. Et il trouvait toujours de nouvelles occupations et distractions pour les petits lapins de Jeannotville.
En hiver, il leur apprenait à peindre des ombres sur la neige, des images su les vitres gelées, et à polir la glace pour qu'elle brille comme le diamant.
Le soir, au coin du feu, bien à l'abri dans la petite maison en brindilles, il racontai des histoires passionnantes à chaque nouvelle génération de petits lapins. Les enfants lapins adoraient venir l'écouter et ils aimaient les jeux nouveaux qu'il inventait pour eux.
Mais un jour vint ou il sembla ne plus trouver rien de nouveau à leur faire faire! Il organisa pourtant des équipes de petits lapins pour peindre les bourgeons au printemps.
Il organisa d'autres équipes qui attendaient la naissance des papillons pour peindre leurs ailes de merveilleuses couleurs!
D'autres encore étaient chargées de colorier les scarabées et toutes sortes d'insectes.
Tout le bois sauvage étincelait de couleurs fraîches.
Et maintenant, pensèrent les petits lapins, que va-t-il trouver à nous faire faire? Eh bien, Jeannot-Jeannot l'aïeul restait beaucoup à la maison en ces temps-là, et il réfléchissait. Enfin, un jour, il appela les petits lapins et leur révéla un secret.
«Mes enfants. Il faut que je m'en aille. Et je vais vous dire ce que sera mon prochain travail si vous promettez de garder le secret.»
Les petits lapins promirent. et l'aïeul s'en alla. Les vieux lapins étaient bien tristes de son départ; les enfants lapins souriaient de l'air de quelqu'un qui en sait long mais ils avaient promis de ne rien dire.
Et puis un jour un orage terrible s'abattit sur Jeannotville et les environs. Tous les petits lapins coururent vit se mettre à l'abri dans leurs maisons.
Quand la pluie se calma un peu, on vit les portes se rouvrir et tous les petits lapins se préciptier au dehors.
«Venez voi!» criaient les lapins. et ils firent une farandole. «Notre arrière-arrière-grand-père a encore fait des merveilles! venez voir ce qu'il a fait!»
Les promeneurs aussi s'émerveillaient.
«Avez-vous déjà vu un coucher de soleil aussi somptueux?» demandaient-ils.
Les petits lapin les entendirent et pouffèrent de rire. Ils savaient... Avant de partir leur aïeul Jeannot-Jeannot leur avait confié qu'il s'en allait au ciel pour y peindre des couchers de soleil plus beaux que jamais.
Le monde enchanté de Walt Disney - Pays des merveilles, Les éditions du livre de Paris, 1971, p.72 à 79
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Petite Isabelle est devenue à son tour maman. Chaque fois qu'elle voit un coucher de soleil qui enflamme le ciel d'orangé, de rouge, de rose, de violet, elle pense à ces crépuscules du soir, où dans le creux des bras de mamie Réjeanne, elle observait le coucher de soleil. Elle imagine arrière-arrière-grand-père Jeannot-Jeannot, pinceau à la main, peindre le ciel de teinte de rose, rouge, orangé et violet. Puis, seule dans sa voiture, elle pouffe de rire, car elle sait.
Touchante histoire Isabelle ! Moi aussi j'en veux une Mamie Réjeanne ;o)
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